Poèmes des adultes 2015
Ces poèmes ont été écrits à l’occasion du Concours organisé par la Ville de Celles-sur-Belle et l’Atelier de poésie du Foyer rural de Verrines.
Florilège de quatorze textes, cet ensemble témoigne de différentes approches de la poésie en 2015.
L’insurrection poétique
C’est la joute verbale
l’expression du quatrain
l’insoumission orale
du bel alexandrin
Debout les vers qui se déclinent
à basse voix, à mots feutrés
les poèmes qui se dessinent
en dos de page, bas de cahier
Ouvrez les portes du désir
sortez de votre intimité
Venez nous chanter le plaisir
de savourer la liberté
Rayonnez partout sur les murs
sur les arbres ou sur les bateaux
Explosez la littérature
tous les écrans, tous les journaux
C’est la montée vitale
C’est l’art désentravé
C’est le tir en rafale
des poèmes effrontés
Anonyme
Parole lunaire pour ressusciter l’aurore
Je connais ma ville assise à califourchon sur le dos du Congo
Je connais ce fleuve,
ces pérégrinations…
Je connais le nom de chaque vague qui passe,
J’habite leur foi, leur insurrection
Mes ancêtres Koongo crachaient le soleil
J’ai de leur souffle frénétique hérité le legs du feu,
J’ai la mémoire pleine comme la lune,
Mes songes sont des xéranthèmes qui rampent sur des murs de lamentations,
J’habite l’émeute des mots,
la vénusté de l’ombre et de la lumière
Mes cris sont des sarments d’orage qui entraînent nos séditions
comme certains fleuves drainent à destination des colères
des volcans imaginaires
J’habite l’intensité de la parole perlière
J’habite trois siècles de rugissement et de marche solennelle
J’habite une litanie d’oiseau-lyre
qui accuse des lacs de sang de n’être pas la rosée
J’habite une barque géante
où les mots sont des mers…
Laurent Malanda
Je ne suis
Je ne suis pas à l’hôpital
Je suis quelque part en moi-même.
Par la fenêtre
On me voit assis
Immobile assoupi.
Je suis dans mes recoins
Me débusque et me fuis,
À l’intérieur de moi
Rebonds et fulgurances
Transmutation extases…
Et dans les yeux des gens
Un petit vieux.
Fixé.
Vincent Rouquès
Grain de sable
Ne comptez pas sur moi pour étoffer les rangs
De ces illuminés et de ces va-t-en guerre
Nourris de quelque hormone dite révolutionnaire
Qui raisonnent en chapelles et voyagent en bancs…
Je veux être moi-même, c’est à dire grain de sable
Sphérique particule, quantité négligeable,
Insignifiant morceau d’un éclat d’univers,
Rond comme une bulle mais dur comme le verre…
Alors j’infiltrerai du monde les rouages,
Me glisserai dans ses intimes engrenages…
Dérisoire, ma force on l’aura négligée…
Et sable, lentement, j’entamerai l’acier…
Je limerai alors toutes les évidences,
Et je les réduirai de mille dérisions,
J’en userai le cœur de la calme insolence
De celui dont personne ne sait la subversion…
Et, sable pour toujours, je garderai ma place.
Jamais ne serai plus élément du rocher…
Et si un autre monde notre monde remplace
J’en ferai, s’il le faut, la première bouchée…
Ji pé ji
Les prières d’argile
Le jeune mendiant, gardien du minaret,
Exhibe des haillons dont le regard s’offense.
Que lui restera-t-il, dis-moi, des fleurs d’enfance,
Dieu de miséricorde, invisible et secret ?
Au paradis d’Allah -ô miroir sans portrait !
Lui sera-t-il offert la longue survivance
Dans les bras de houris à la molle mouvance ?
Nulle voix ne répond, sauf un âne qui brait.
S’ils s’écriaient en chœur, tous les enfants du monde,
Fantômes du Sahel ou d’un cloaque immonde,
Bouddha, Christ, Elohim, les entendriez-vous ?
Prenez garde, Seigneurs, la croyance est fragile
Telle, au soir qui reteint les murs d’enceinte roux,
La mosquée érigeant ses prières d’argile.
Guy Vieilfault
Mutinerie solitaire
Je suis un enfant de partout, de St Malo, de St Nazaire, né pour le vent né pour la mer.
J’ai grandi entre terres et eaux, marché-nagé, même tonneau, poussé-appris-aimé-grandi, pour l’infini. Rêvé du Commandant Cousteau et dansé sur des calypsos dans des bouges de La Havane où j’ai bu à en être noir le rhum blanc de mes désespoirs, quand Liza m’avait laissé seul dans les abysses du néant. J’ai bourlingué sur des rafiots, pourris, rouillés, brinquebalants. Noyé mon chagrin dans les bars de tous les ports de l’océan.
Entre Istambul et Braïla, j’ai vendu mon âme à des rouges qui trafiquaient contre des roubles du caviar arrivé d’Iran. Et pour me sauver de leurs griffes, marché la nuit dans des montagnes pour rejoindre la Méditerranée et embarquer pour Port Saïd. Sur des felouques louches du Nil qui remontaient vers le désert, j’ai dû occire des malabars prêts à me mettre à dos de chameau pour m’entraîner dans le désert et me réduire en esclavage.
J’ai traversé le Sahara, tangué avec des méharées en partageant du lait de chamelle avec des hommes en turbans bleus. Tête de lard d’entêté, droit au sud dans cette mer morte, le vent fou me cinglait la peau sous le plomb rouge du soleil. Vagues de dunes, embruns de sable, rêvant d’océans d’eau salée, j’ai ragé en rongeant mon frein de marin ensablé dans ces espaces minéraux. Marché nu-pieds vers des mirages, rêvé de lacs à l’horizon, erré hagard jusqu’au Grand Fleuve. De Niamey à l’océan, le Niger m’a ouvert son lit, ouvert son ventre pour que je glisse dans le bois d’une pirogue étroite, mon corps avide de courant.
J’ai embarqué sur un thonier qui ratissait le fond des mers au large d’Accra et Abidjan. J’ai trimé derrière des filets, couvert mon corps des puanteurs et du sang rouge des poissons morts. J’ai porté un ciré poisseux, des vêtements raidis de sel. Dans cette mer équatoriale, j’ai lapé à en perdre haleine les pluies des tempêtes océanes.
Après avoir perdu Liza, j’avais la folie dans ma tête. Je fus mi-homme, mi-poisson, je fus marin de l’eau-delà. J’étais un enfant de partout, né pour le vent né pour la mer. Fils des tempêtes, enfant de l’eau, mon horizon fut l’horizon.
Claude Dantan
j’ai fait le rêve
d’un monde sans guerre
et le ciel oui le ciel
des chevaux blancs
dans l’azur
impossible
juste la poussière
le fer
le feu
les murs qui s’écroulent
sur des enfants
l’odeur du sang
métallique
sur la pierre
les cris de la peur
dans les rues qui se vident
mais les enfants oh les enfants
cheveux de soie
dans les gravats
je rêve d’un monde
où il n’y aurait plus de guerre
Arlette Bessède
L’arbre
de la poésie
pousse dans l’insurrection
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Société de faux-monnayeurs, de voyeurs racoleurs
Société qui se prélasse dans la consommation de masse
Société en décomposition cherche fossoyeurs
Pour enterrement de première classe
Combien sommes-nous à chercher le bonheur
À ne pas supporter que sans cesse on nous casse
Nos rêves, nos espoirs, remplacés par la peur
Accepterons-nous longtemps qu’on nous rende sourds
Muets jusqu’à en étouffer
Crierons-nous enfin la rage qui sourd
Sur la tombe du vieux monde irons-nous graver
Nos refrains, nos quatrains,
Pour inventer un meilleur demain
Alors, entrons en Résistance !
Choisissons la Désobéissance !
Osons !
Rêvons !
Rimons !
Aimons…
Lya de Mylpir
L’abolition du port de la cravate
De tous feux, de tous bords, la crise hante les unes,
Si l’on en croit les mots et chiffres des journaux
Les plans d’austérité pour sauver les fortunes
Sont des guides de choix drainant les capitaux.
Mais, puisque le déclin s’accélère à la hâte
Comblons les déficits en augmentant l’effort
Avec l’abolition du port de la cravate,
Ce costume onéreux, immonde et sans confort.
Cet inutile habit, trompe-l’œil de prestance,
Tel un long cache-cœur, point d’orgue du costard,
Ne sert, en vérité, qu’à gonfler l’apparence
Pour donner le vertige à quelconque regard.
Ainsi, sans ces tissus superflus et futiles,
Le pays, tout entier, de l’école au Sénat,
Réduirait son orgueil et ses frais en textiles,
Vivant par ce qu’il est et non par ce qu’il a.
Ludovic Chaptal
il peint la vie aux couleurs
de la subversion poétique,
rouge et noire,
arc-en-ciel et or,
arc-en-ciel rainbow
rainbow Rimbaud,
porté par ses semelles de vent,
de Charleville en Charlestown,
il voyage dans un vertige
entre voyance et alchimie,
le Rêve,
berceau de son délire,
quand son esprit “bateau ivre”
chavirait en Utopie,
rouge et noire…
François Jégou
L’insurgée mousse pointe et mouline gouleyante se glissant roucoulant sur des froufrous de deltoïdes isométriques qui s’immolent en fanfreluchant et se gargarisent la goule à ravir en une rafale effarée de cierges de Notre Dame. Jouïs-les bien encore ces jolis French cancans qui culminent en de longs sanglots violacés et qui émollients polissent tes épis de cymes mollénaires.
Une lune rousse orageait les arcanes de Santa Cruz.
Java se carnage déjà dans ses mille chasubles ses coups doubles montés sur le carreau des ombres.
Des casules d’archanges couronnent tous les crimes ; ils s’acidulent de canules en plastique archi-texturales leurs canards marbrant de leurs veines stridentes des syncopes ardentes, des apocopes étranges, étranglées souvent mêmes et flamboyantes comme le Crystal fluorescent du songe.
It’s Good to be Queen dans ce Grand Bouillon Blanc
Dans ce parc incolore un échassier cocasse me croise et vocifère un sacrilège essor : Exit exit excit. Insipide incipit. La Molène blatère qui l’essaime plus fort encore à queues de loup tronquées dans des tronçons de plumes sur l’île expectorée apostrophée plus un fantôme de barque folle qui vesselle le ciel crevé aux moussaillons des pelles.
O Parques d’Hérésie O Sanctuaire massacré d’ailerons thoraciques O déconcertées par une gaine d’Hermès O fleurs décontenuancées nous toujours en sursis
La somme de toutes
Mylène Catel
Un nouveau prophète
Faut-il traiter de fous ceux qui n’ont que les mots
Pour s’opposer au feu des canons meurtriers ?
Laisser le terrain libre à tous ces chants guerriers
Qui couvrent de leurs cris celui des guillemots ?
Rêvons de lendemains quand se tairont les armes,
Où par-delà les mers Pablo triomphera.
Alors viendra le jour, alors reverdira
L’herbe foulée aux pieds par trop de nuits de larmes.
La parole rimée portera les couleurs
De la paix recouvrée après le temps des pleurs.
Hugo, Lorca, Rimbaud, reprenez le flambeau !
Nous avons grand besoin du verbe des poètes
Avant de voir ce monde disparaître en lambeaux.
Alors vénérons-le comme un nouveau prophète.
Patrick Venture
Insurrection po
étique tout un programme,
chérie, embrasse-moi
Estelle Daniélou-Mantran
Appel à la mobilisation des poètes du monde entier
Allons, poètes du monde entier,
L’heure est venue d’unir nos rimes :
Que le souffle de nos voix d’indignés
Terrasse la misère et tous les crimes
Pour qu’enfin de la Fraternité,
Nous découvrions le doux sentier.
Frèr’s en littérature
Aiguisez plumes et stylos
Écrivons, écrivons,
Que de votre encre pure
Jaillisse un monde nouveau.
Vénérée muse, inspire nos âmes
Soutiens le combat de nos mains :
Que les mots, qu’avec ardeur, elles tracent
Exorcisent, à jamais, les drames
Et bâtissent, en tous pays, un lendemain
Rayonnant des mille feux de l’espérance.
Sandrine Defoug