Foyer Rural de Verrines

À la croisée des initiatives

Poèmes des adultes 2015

16 avril 2020

 

Ces poèmes ont été écrits à l’occasion du Concours organisé par la Ville de Celles-sur-Belle et l’Atelier de poésie du Foyer rural de Verrines.

Florilège de quatorze textes, cet ensemble témoigne de différentes approches de la poésie en 2015.

L’insurrection poétique

C’est la joute verbale

l’expression du quatrain

l’insoumission orale

du bel alexandrin

Debout les vers qui se déclinent

à basse voix, à mots feutrés

les poèmes qui se dessinent

en dos de page, bas de cahier

Ouvrez les portes du désir

sortez de votre intimité

Venez nous chanter le plaisir

de savourer la liberté

Rayonnez partout sur les murs

sur les arbres ou sur les bateaux

Explosez la littérature

tous les écrans, tous les journaux

C’est la montée vitale

C’est l’art désentravé

C’est le tir en rafale

des poèmes effrontés

Anonyme


Parole lunaire pour ressusciter l’aurore

Je connais ma ville assise à califourchon sur le dos du Congo

Je connais ce fleuve,

ces pérégrinations…

Je connais le nom de chaque vague qui passe,

J’habite leur foi, leur insurrection

Mes ancêtres Koongo crachaient le soleil

J’ai de leur souffle frénétique hérité le legs du feu,

J’ai la mémoire pleine comme la lune,

Mes songes sont des xéranthèmes qui rampent sur des murs de lamentations,

J’habite l’émeute des mots,

la vénusté de l’ombre et de la lumière

Mes cris sont des sarments d’orage qui entraînent nos séditions

comme certains fleuves drainent à destination des colères

des volcans imaginaires

J’habite l’intensité de la parole perlière

J’habite trois siècles de rugissement et de marche solennelle

J’habite une litanie d’oiseau-lyre

qui accuse des lacs de sang de n’être pas la rosée

J’habite une barque géante

où les mots sont des mers…

Laurent Malanda


Je ne suis

Je ne suis pas à l’hôpital

Je suis quelque part en moi-même.

Par la fenêtre

On me voit assis

Immobile assoupi.

Je suis dans mes recoins

Me débusque et me fuis,

À l’intérieur de moi

Rebonds et fulgurances

Transmutation extases…

Et dans les yeux des gens

Un petit vieux.

Fixé.

Vincent Rouquès


Grain de sable

Ne comptez pas sur moi pour étoffer les rangs

De ces illuminés et de ces va-t-en guerre

Nourris de quelque hormone dite révolutionnaire

Qui raisonnent en chapelles et voyagent en bancs…

Je veux être moi-même, c’est à dire grain de sable

Sphérique particule, quantité négligeable,

Insignifiant morceau d’un éclat d’univers,

Rond comme une bulle mais dur comme le verre…

Alors j’infiltrerai du monde les rouages,

Me glisserai dans ses intimes engrenages…

Dérisoire, ma force on l’aura négligée…

Et sable, lentement, j’entamerai l’acier…

Je limerai alors toutes les évidences,

Et je les réduirai de mille dérisions,

J’en userai le cœur de la calme insolence

De celui dont personne ne sait la subversion…

Et, sable pour toujours, je garderai ma place.
Jamais ne serai plus élément du rocher…

Et si un autre monde notre monde remplace

J’en ferai, s’il le faut, la première bouchée…

Ji pé ji


Les prières d’argile

Le jeune mendiant, gardien du minaret,

Exhibe des haillons dont le regard s’offense.

Que lui restera-t-il, dis-moi, des fleurs d’enfance,

Dieu de miséricorde, invisible et secret ?

Au paradis d’Allah -ô miroir sans portrait !

Lui sera-t-il offert la longue survivance

Dans les bras de houris à la molle mouvance ?

Nulle voix ne répond, sauf un âne qui brait.

S’ils s’écriaient en chœur, tous les enfants du monde,

Fantômes du Sahel ou d’un cloaque immonde,

Bouddha, Christ, Elohim, les entendriez-vous ?

Prenez garde, Seigneurs, la croyance est fragile

Telle, au soir qui reteint les murs d’enceinte roux,

La mosquée érigeant ses prières d’argile.

Guy Vieilfault


Mutinerie solitaire

Je suis un enfant de partout, de St Malo, de St Nazaire, né pour le vent né pour la mer.

J’ai grandi entre terres et eaux, marché-nagé, même tonneau, poussé-appris-aimé-grandi, pour l’infini. Rêvé du Commandant Cousteau et dansé sur des calypsos dans des bouges de La Havane où j’ai bu à en être noir le rhum blanc de mes désespoirs, quand Liza m’avait laissé seul dans les abysses du néant. J’ai bourlingué sur des rafiots, pourris, rouillés, brinquebalants. Noyé mon chagrin dans les bars de tous les ports de l’océan.

Entre Istambul et Braïla, j’ai vendu mon âme à des rouges qui trafiquaient contre des roubles du caviar arrivé d’Iran. Et pour me sauver de leurs griffes, marché la nuit dans des montagnes pour rejoindre la Méditerranée et embarquer pour Port Saïd. Sur des felouques louches du Nil qui remontaient vers le désert, j’ai dû occire des malabars prêts à me mettre à dos de chameau pour m’entraîner dans le désert et me réduire en esclavage.

J’ai traversé le Sahara, tangué avec des méharées en partageant du lait de chamelle avec des hommes en turbans bleus. Tête de lard d’entêté, droit au sud dans cette mer morte, le vent fou me cinglait la peau sous le plomb rouge du soleil. Vagues de dunes, embruns de sable, rêvant d’océans d’eau salée, j’ai ragé en rongeant mon frein de marin ensablé dans ces espaces minéraux. Marché nu-pieds vers des mirages, rêvé de lacs à l’horizon, erré hagard jusqu’au Grand Fleuve. De Niamey à l’océan, le Niger m’a ouvert son lit, ouvert son ventre pour que je glisse dans le bois d’une pirogue étroite, mon corps avide de courant.

J’ai embarqué sur un thonier qui ratissait le fond des mers au large d’Accra et Abidjan. J’ai trimé derrière des filets, couvert mon corps des puanteurs et du sang rouge des poissons morts. J’ai porté un ciré poisseux, des vêtements raidis de sel. Dans cette mer équatoriale, j’ai lapé à en perdre haleine les pluies des tempêtes océanes.

Après avoir perdu Liza, j’avais la folie dans ma tête. Je fus mi-homme, mi-poisson, je fus marin de l’eau-delà. J’étais un enfant de partout, né pour le vent né pour la mer. Fils des tempêtes, enfant de l’eau, mon horizon fut l’horizon.

Claude Dantan


j’ai fait le rêve

d’un monde sans guerre

et le ciel oui le ciel

des chevaux blancs

dans l’azur

impossible

juste la poussière

le fer

le feu

les murs qui s’écroulent

sur des enfants

l’odeur du sang

métallique

sur la pierre

les cris de la peur

dans les rues qui se vident

mais les enfants oh les enfants

cheveux de soie

dans les gravats

je rêve d’un monde

où il n’y aurait plus de guerre

Arlette Bessède


L’arbre

de la poésie

pousse dans l’insurrection

*****************

Société de faux-monnayeurs, de voyeurs racoleurs

Société qui se prélasse dans la consommation de masse

Société en décomposition cherche fossoyeurs

Pour enterrement de première classe

Combien sommes-nous à chercher le bonheur

À ne pas supporter que sans cesse on nous casse

Nos rêves, nos espoirs, remplacés par la peur

Accepterons-nous longtemps qu’on nous rende sourds

Muets jusqu’à en étouffer

Crierons-nous enfin la rage qui sourd

Sur la tombe du vieux monde irons-nous graver

Nos refrains, nos quatrains,

Pour inventer un meilleur demain

Alors, entrons en Résistance !

Choisissons la Désobéissance !

Osons !

Rêvons !

Rimons !

Aimons…

Lya de Mylpir


L’abolition du port de la cravate

De tous feux, de tous bords, la crise hante les unes,

Si l’on en croit les mots et chiffres des journaux

Les plans d’austérité pour sauver les fortunes

Sont des guides de choix drainant les capitaux.

Mais, puisque le déclin s’accélère à la hâte

Comblons les déficits en augmentant l’effort

Avec l’abolition du port de la cravate,

Ce costume onéreux, immonde et sans confort.

Cet inutile habit, trompe-l’œil de prestance,

Tel un long cache-cœur, point d’orgue du costard,

Ne sert, en vérité, qu’à gonfler l’apparence

Pour donner le vertige à quelconque regard.

Ainsi, sans ces tissus superflus et futiles,

Le pays, tout entier, de l’école au Sénat,

Réduirait son orgueil et ses frais en textiles,

Vivant par ce qu’il est et non par ce qu’il a.

Ludovic Chaptal


il peint la vie aux couleurs

de la subversion poétique,

rouge et noire,

arc-en-ciel et or,

arc-en-ciel rainbow

rainbow Rimbaud,

porté par ses semelles de vent,

de Charleville en Charlestown,

il voyage dans un vertige

entre voyance et alchimie,

le Rêve,

berceau de son délire,

quand son esprit “bateau ivre”

chavirait en Utopie,

rouge et noire…

François Jégou


L’insurgée mousse pointe et mouline gouleyante se glissant roucoulant sur des froufrous de deltoïdes isométriques qui s’immolent en fanfreluchant et se gargarisent la goule à ravir en une rafale effarée de cierges de Notre Dame. Jouïs-les bien encore ces jolis French cancans qui culminent en de longs sanglots violacés et qui émollients polissent tes épis de cymes mollénaires.

Une lune rousse orageait les arcanes de Santa Cruz.

Java se carnage déjà dans ses mille chasubles ses coups doubles montés sur le carreau des ombres.

Des casules d’archanges couronnent tous les crimes ; ils s’acidulent de canules en plastique archi-texturales leurs canards marbrant de leurs veines stridentes des syncopes ardentes, des apocopes étranges, étranglées souvent mêmes et flamboyantes comme le Crystal fluorescent du songe.

It’s Good to be Queen dans ce Grand Bouillon Blanc

Dans ce parc incolore un échassier cocasse me croise et vocifère un sacrilège essor : Exit exit excit. Insipide incipit. La Molène blatère qui l’essaime plus fort encore à queues de loup tronquées dans des tronçons de plumes sur l’île expectorée apostrophée plus un fantôme de barque folle qui vesselle le ciel crevé aux moussaillons des pelles.

O Parques d’Hérésie O Sanctuaire massacré d’ailerons thoraciques O déconcertées par une gaine d’Hermès O fleurs décontenuancées nous toujours en sursis

La somme de toutes

Mylène Catel


Un nouveau prophète

Faut-il traiter de fous ceux qui n’ont que les mots

Pour s’opposer au feu des canons meurtriers ?

Laisser le terrain libre à tous ces chants guerriers

Qui couvrent de leurs cris celui des guillemots ?

Rêvons de lendemains quand se tairont les armes,

Où par-delà les mers Pablo triomphera.

Alors viendra le jour, alors reverdira

L’herbe foulée aux pieds par trop de nuits de larmes.

La parole rimée portera les couleurs

De la paix recouvrée après le temps des pleurs.

Hugo, Lorca, Rimbaud, reprenez le flambeau !

Nous avons grand besoin du verbe des poètes

Avant de voir ce monde disparaître en lambeaux.

Alors vénérons-le comme un nouveau prophète.

Patrick Venture


Insurrection po

étique tout un programme,

chérie, embrasse-moi

Estelle Daniélou-Mantran


Appel à la mobilisation des poètes du monde entier

Allons, poètes du monde entier,

L’heure est venue d’unir nos rimes :

Que le souffle de nos voix d’indignés

Terrasse la misère et tous les crimes

Pour qu’enfin de la Fraternité,

Nous découvrions le doux sentier.

Frèr’s en littérature

Aiguisez plumes et stylos

Écrivons, écrivons,

Que de votre encre pure

Jaillisse un monde nouveau.

Vénérée muse, inspire nos âmes

Soutiens le combat de nos mains :

Que les mots, qu’avec ardeur, elles tracent

Exorcisent, à jamais, les drames

Et bâtissent, en tous pays, un lendemain

Rayonnant des mille feux de l’espérance.

Sandrine Defoug

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